C'est avec regret que nous apprenons que Dany et Jacques Allard ne renouvellent pas leur adhésion au club.
Leur gentillesse et leur bonne humeur nous manqueront, ainsi que les moments d'émotion partagée lorsque Dany nous récitait ses beaux poèmes.
Dany, Jacques prenez bien soin de vous, on vous embrasse.
Ci-dessous le dernier poème en date.
Le bonheur
Le bonheur n’est-il rien que ces petites choses,
Ces joies éphémères que l’on glane on passant,
Dopants inespérés, pris à petites doses,
Qui réchauffent le cœur et subliment l’instant.
Entendre de nouveau bourdonner Notre Dame,
Des orgues retentir d’une fugue de Bach,
Les clarines tinter dans la verte montagne,
La cascade écumante aspirée par le lac.
Voir l’éclat chamarré d’un grand feu d’artifice,
L’horizon s’embraser au soleil du couchant,
Le style majestueux d’un antique édifice,
Une nature en fleurs sous un ciel de printemps.
Sentir la fragrance de celle qui nous croise,
Le fouillis végétal de l’humus des sous-bois,
Le gâteau de grand-mère imbibé de framboises,
Le foin juste séché, chargé sur le charroi.
Partager un repas où l’amitié s’invite,
Un sourire, un regard, une poignée de mains,
La douleur soudaine, pour tous ceux qui nous quittent,
L’espoir toujours présent de meilleurs lendemains.
Mais il y a le temps, mais il y a la vie,
Leurs lots de déceptions, de soucis quotidiens,
Pour garder le moral, s’accrocher à l’envie,
C’est un atout précieux, d’avoir ces petits riens.
Dany Allard
Bonne année
Très chers amis lointains, qu’importe votre nom,
C’est avec grand plaisir que nous vous écrivons,
Pour marquer la venue de cette année nouvelle,
En espérant, pour vous, qu’elle soit riche et belle.
Que le sort polisse les cailloux du chemin
Où se risquent vos pas, égaie vos lendemains,
Que vos jours soient radieux, imprégnés de lumière,
Et vos nuits sereines, calmes comme une eau claire.
Appréciez pleinement ces instants si précieux
Que vous offrent le temps, la nature et les cieux,
Qu’enfin le bienfaiteur des chose de la vie
Vous envoie, sans compter, la douceur infinie
Le temps
Mais où est-il ce temps, de notre chère enfance,
De nos jeux interdits, de notre insouciance,
Des genoux écorchés, du ballon prisonnier,
De l’odeur de cette encre imprégnant nos cahiers.
Mais où est-il ce temps, de notre adolescence,
De nos premiers émois, nos premières souffrances,
Du tabac défendu enfumant nos abris,
De ces profs magistraux qui nous ont tant appris.
Mais où est-il ce temps de nos douces fiançailles,
Cette étape magique avant les épousailles,
Des rêves éveillés que nous faisions à deux,
De cet « amour-toujours » qui nous rendait heureux.
Mais où est-il ce temps de la vie tumultueuse,
Des enfants, des amis, des journées laborieuses,
De ce grand tourbillon qui nous a entraînés
Pendant des décennies, dans un rythme effréné.
Mais il est là, le temps, celui de la vieillesse,
Des regrets, de l’arthrose, aussi de la sagesse.
Profitons du moment, savourons chaque jour,
Car les heures passées le seront sans retour.
Dany Allard
LA COMPLAINTE DE L'EBRE
Je regrette le temps où j'étais un sauvage,
Quand je coulais fougueux, libéré, sans barrage,
Je baignais les bosquets, l'humble végétation
Qui magnifiaient mes bords, en poussant à foison.
Depuis l'aube des temps, j'ai charrié sans cesse
Des tonnes de limon : mon unique richesse.
Cet endroit est le mien, ma maison, mon état,
Je ne reconnais plus ce qui fut mon delta.
Les hommes m'ont dompté, j'y ai perdu mon âme,
Je suis doux et soumis comme une faible femme,
Je me retrouve nu au sein de nulle part,
Je ne supporte plus l'attention des regards.
Je me sens humilié, ma détresse est immense,
Timide et réservé, je progresse en silence,
Je cache ma pudeur derrière les roseaux,
Refuge des pêcheurs, havre des animaux.
Ils ont remodelé l’immense platitude,
Cette morne étendue noyée de solitude,
Parsemée çà et là de quelques cabanons,
De mes rives sages au lointain horizon.
Je n’ai plus sous les yeux qu’un puzzle sans image,
Dont les strictes parties forment un quadrillage,
Monochromie changeante au bon gré des saisons,
Mélancolie visuelle à donner le bourdon.
Mon royaume n’est plus qu’une vaste rizière,
Qui aspire mon sang, sa sève nourricière,
Pour donner au final, jusqu’à l’épuisement,
Les grains tant convoités : il faut du rendement.
Mais dans mon désespoir, pour alléger ma peine,
Pour combler les méfaits de la présence humaine,
On m’offre une réserve, en guise de cadeau,
Où vivent mes amis: des myriades d’oiseaux.
Alors, rasséréné, je chemine avec calme,
Je garde au fond de moi l’eau salée de mes larmes,
Je ralentis mon cours, je ne veux pas mourir,
Je sais que la mer bleue va bientôt m’engloutir.
Dany Allard
Les autres
Les autres, par milliards, occupent notre terre,
Divers et fascinants, depuis des millénaires,
Qu’importe leurs races, qu’importe leurs couleurs,
Comme nous ils cherchent un semblant de bonheur.
Ce bonheur, pour chacun, différemment résonne:
Amour, argent, pouvoir, c’est selon la personne.
Tout humain, comme il veut, oriente son destin,
Quand pour beaucoup d’entre eux c’est manger à leur faim.
Enfants, on nous a dit: « les autres sont vos frères,
Vous devez les aimer par-delà les frontières ».
Comment pourrais-je aimer, quand je ne connais pas
Ces ethnies lointaines montrées par les médias?
Mais qu’arrive un typhon, un tremblement de terre,
Nous sommes affectés devant tant de misère.
Il ne leur reste rien, que le Grand Manitou,
Qu’ils ont pourtant prié, bien souvent, à genoux.
Pour tous ces éprouvés, sacré Bon Dieu, que faire?
Nous ne pouvons freiner les courroux de la terre,
Qui frappent, de surcroît, les peuples indigents,
À croire que, là-haut il préfère l’argent.
Les autres, chaque jour, nous peinent, nous agacent,
Critiquent nos idées, mordent sur nos espaces.
Il n’est pas si aisé de pouvoir supporter
Ceux qui nous entourent: famille ou étrangers.
Les autres, différents, nous choquent, nous bousculent,
Leurs façons, quelquefois, frisent le ridicule.
Nous nous heurtons souvent à des voisins grincheux,
Des employés bougons, des conducteurs hargneux.
Quant à nos gouvernants, quoiqu’ils disent ou fassent,
Leur seul but dans la vie, c’est de rester en place.
Des autres ils se jouent, et les autres c’est nous!
Pour eux pas de pitié, ils poussent au dégoût.
Et qui ne porte en soi la charge immatérielle,
Faite de souvenirs et d’ombres immortelles,
Des autres, trépassés, connus ou inconnus,
Parents, amis, martyrs à jamais disparus.
Nous sommes les maillons d’une invisible chaîne,
Que rongent trop souvent l’égoïsme et la haine.
Dans ma vie bien réglée, mon confort bien ancré,
Je suis l’autre de l’autre, à ne pas oublier!
Les autres nous offrent d’innombrables richesses,
Spirituelles, s’entend, pour qui s’y intéresse.
Que ferions-nous tout seuls, qu’adviendrait-il de nous,
Sans amour, sans partage, en ce monde si fou?
L’autre qui tend la main dans un mauvais passage,
L’autre qui de la voix, très fort vous encourage,
Celui qui vous sourit en passant dans la rue,
Qui offre son siège quand vous prenez le bus.
L’autre qui vient frapper pour avoir des nouvelles,
Celui dans le besoin, qui soudain vous appelle,
L’autre avec un panier, qui passe un beau matin:
«Tenez, voici pour vous, des noix de mon jardin ».
L’autre dont la douleur vous noue et vous tracasse,
Vous voudriez parfois pouvoir prendre sa place,
L’autre qui vous retient lorsque vous trébuchez,
Celui qui console, quand vous avez pleuré.
D’autres, pour notre joie, suent et se décarcassent,
Pourrions-nous craindre un jour qu’à la fin ils se lassent,
Sommes-nous bien conscients de tous ces dévouements
Grâce auxquels nous passons de merveilleux moments?
Bien sûr nous visitons des sites merveilleux,
Des villages charmants, des musées prestigieux,
Mais quel que soit le lieu, quel que soit le voyage,
Les autres sont toujours nos plus beaux paysages.
Dany Allard
Amitiés itinérantes
Ils ont quitté sans peine un petit coin de France.
Il en est qui ont dû traverser le pays.
Afin d’être ponctuels, ils ont fait diligence
Dans les engins roulants qui leur servent d’abris.
Leur point de ralliement: une belle bourgade.
Les habitants, surpris, pensent voir des gitans.
Après l’installation, la joie des embrassades,
Ils parlent de leur vie, de la pluie, du beau temps.
Ils ont, pour la plupart, atteint un certain âge.
Ils disent en riant qu’ils sont des « tamalous ».
Partir pour l’inconnu, affronter les voyages,
Ils sont encore actifs comme de jeunes loups.
En soirée, pour marquer ces belles retrouvailles,
Bien installés en rond, le cœur à l’unisson,
Ils dégustent, heureux, des toasts, des cochonnailles,
En arrosant le tout d’une bonne boisson.
Ils viennent s’imprégner d’un regain de culture
Dans ces lieux reculés de notre beau terroir.
Oh, que de visites! Quelquefois ils saturent,
Ils sont un peu groggy quand arrive le soir.
Zoos, châteaux, jardins, plus rien ne leur échappe,
Sans compter les musées, églises, vieux lavoirs.
Ils adorent aussi consacrer une étape
Aux endroits enivrants dotés d’un bon pressoir.
Il arrive soudain que l’entente déraille.
Les bornes sont franchies, sus aux vilains méchants
Qui sèment la discorde et mettent la pagaille !
Mais ils sont pardonnés, ce sont de grands enfants.
Vers la fin de l’année, l’assemblée générale
Les réunit, nombreux, pour louer ou désavouer
Le bilan du bureau: séance magistrale!
Ce club est bien géré, merci amis dévoués !!
S’ensuit le grand banquet pour terminer en fête
Cette ultime sortie. Pour saluer ce festin,
Ils se rasent de près, elles parent leurs têtes,
Tous sont à pied d’œuvre dès le petit matin.
Le repas est exquis. Un musicien artiste
Réchauffe la salle de ses airs de flonflons,
Les danseurs enragés envahissent la piste,
La gaieté fait fureur, vive l’accordéon !
Arrive le final de toute bonne chose.
Chacun rentre au bercail, quelque peu attristé,
Gardant au fond de soi ,vivace et bien enclose,
Ce qui compte le plus: cette énorme amitié.
Dany Allard